Notre sélection coup de cœur du moment

Alimentation rime avec science, écologie et plaisir dans cet ouvrage richement illustré de schémas et de graphiques au service de la pédagogie de l’auteur. Chaque préjugé sur la nutrition est déconstruit dans de courts chapitres, ce qui invite à aller butiner les informations qui nous intéressent. La remise au centre de la science loin des passions permet d’y voir clair, qu’il s’agisse du Nutri-Score, des 3 repas par jour ou encore du véganisme. Il est davantage question d’ouvrir des espaces de réflexion sur nos modes de vie que de conseils pour le summer body.

Dans cet essais Laure Murat questionne la réécriture des œuvres anciennes face aux sensibilités actuelles. Avec clarté, elle distingue la réécriture créative (comme Racine réécrivant Euripide) de la récriture corrective, qui vise à normaliser sans intention esthétique. Elle interroge : effacer un mot gênant suffit-il à effacer une idéologie ? Ne risque-t-on pas de falsifier l’histoire en gommant ses aspérités ? Murat illustre son propos avec des cas précis comme ceux d’Agatha Christie ou Roald Dahl. Elle invite à penser la littérature comme un témoin de son temps, non comme un objet à normaliser, Elle défend la contextualisation — par des préfaces ou des notes — plutôt que la modification des textes. Un essai bref mais percutant, qui donne à penser sans jamais asséner. Pour aller plus loin, écouter son interview dans l'émission "le book club" de France inter.      

Parmi les différents ouvrages publiés suite au procès de Mazan, le livre d’Elise Costa se démarque. Le dispositif mis en place par l’autrice crée une dynamique de lecture singulière chez la lectrice / le lecteur par la mise en parallèle de son carnet et des articles parus durant le procès sur Slate.fr. Il permet d’appréhender la machine judiciaire différemment, de reprendre son souffle grâce aux illustrations de l’autrice, d’éclairer les protagonistes avec pudeur et respect. Au cours de la lecture, le cœur se serre, une saine colère pointe le bout de son nez puis le besoin et la nécessité de réfléchir profondément à la société dans laquelle nous vivons.

Celles qui sortaient de l’ombre de Christophe Vasse est un thriller haletant, porté par une construction à multiples points de vue tous liés entre eux. L’auteur nous embarque dans un voyage à travers les décennies, des années 1980 aux années 2020, tout en explorant une question troublante : jusqu’où peut-on aller pour aider l’autre ?

Grâce à la richesse des personnages, ceux-ci sont profondément attachants, et chacun d’eux apporte une pièce essentielle au puzzle. Leurs destins se croisent peu à peu, jusqu’à former un tout surprenant.

Ce roman est poignant et addictif : il nous fait passer de l’émotion à la stupeur en quelques pages. Chaque chapitre est une montée en tension, nous poussant à tourner les pages sans relâche. Un vrai page-turner, maîtrisé de bout en bout par Christophe Vasse.

Le troisième titre de la sombre collection "PB82" de l'éditeur Monts Métallifères délaisse pour la première fois l'imaginaire, pour nous proposer une horreur réelle, crédible, crue. Texte sorti en 1977 et victime de la censure par le pouvoir en place, il a aujourd'hui acquis une postérité féministe certaine, notamment grâce à sa traduction en France très tôt.

C'est un portrait de tout ce qui caractérise l'oppression des femmes sans la voiler de filtres pour la rendre plus agréable à lire. C'est choquant, dégoûtant, effrayant, d'autant plus que rien de ce qui est décrit dans ce livre n'est exceptionnel. Les railleries, les violences psychologiques, physiques, sexuelles sont mécaniquement racontées par l'autrice qui utilise un humour bouffon et sarcastique pour ne pas sombrer dans la folie des actes ignobles qu'elle décrit.

Un livre qui dérange, un livre qui questionne, mais surtout un livre important.

Au cœur de la Sibérie soviétique, le 11 mars 1985, jour charnière entre deux ères : la mort de Tchernenko et l’arrivée de Gorbatchev, l’autrice capte les frémissements d’un monde en mutation. Dans un appartement communautaire, quatre générations de femmes seules d’une même famille cohabitent, partageant leur quotidien avec d'autres locataires dans une promiscuité à la fois pesante et solidaire. Katerina Poladjan explore l’intime au sein du politique. Un concert clandestin devient le catalyseur de désirs enfouis, de souvenirs partagés, de rêves suspendus. Une parenthèse hors du temps, où chaque silence, chaque regard, chaque geste prend une résonance particulière. Ce court roman, d’une richesse émotionnelle, la plume de Poladjan, à la fois précise et poétique, nous offre une immersion délicate dans un monde en équilibre fragile. Une lecture qui résonne comme une mélodie douce et persistante, bien après la dernière page.      

Démarrant avec un pitch plus qu'intriguant - un patient de psychiatrie qui se met à nager dans le vide jusqu'à perdre conscience d'épuisement, avant de recommencer dès le réveil - ce premier roman de Diego Muzzo s'inscrit dans une tradition gothique certaine, qui semble particulièrement présente en Argentine comme en témoigne le magistral "Notre part de nuit" d'Enriquez.

On est plongé dans un début de XXème siècle obscur et mystérieux, entre l'Écosse et Ushuaïa, alors que l'on s'attèle à comprendre au moyen de la lecture du journal du patient comment un simple séjour dans un phare abandonné a pu le faire sombrer à ce point.

Il est question de folie, de meurtres oubliés, de fantômes et de doppelgängers, de l'étroitesse du lien qui peut nous lier à des choses passées qui dépassent notre entendement...

Une plume directe et agréable à lire, une histoire en trois parties du même type mais bien mieux ficelée que dans "The Fisherman" de Langan, la découverte de ce sombre roman est excitante, effrayante, déroutante, hautement recommandable.